Mariage : quelle est la nouvelle loi sur le mariage en France ?

52 000 mariages chaque année en France concernent au moins un conjoint étranger. Derrière ce chiffre, c’est tout le débat sur l’accès au mariage qui se joue, secoué par une proposition de loi déposée en mai 2024. L’idée ? Subordonner la célébration du mariage à la régularité du séjour des futurs époux. Désormais, un officier d’état civil pourrait refuser d’enregistrer une union si l’un des partenaires ne dispose pas d’un titre de séjour valide.

Ce bouleversement législatif alimente de vives discussions. D’un côté, les autorités avancent la nécessité de lutter contre les mariages de complaisance. De l’autre, des associations alertent sur le risque de discrimination que cette mesure pourrait engendrer, pointant sa possible incompatibilité avec le droit au mariage garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.

En France, le mariage civil est régi par un cadre juridique solide, ancré dans le code civil. La cérémonie se déroule devant l’officier d’état civil, qui veille à la légalité de chaque union. Quelle que soit la nationalité, chacun dispose du droit de se marier. Ce principe, appelé liberté matrimoniale, est consacré par le Conseil constitutionnel et protégé par la Convention européenne des droits de l’homme.

Mais la vigilance ne faiblit pas : la lutte contre les mariages arrangés ou simulés structure l’examen des dossiers. L’officier d’état civil a la latitude d’alerter le procureur de la République s’il doute de la sincérité du consentement ou de la situation administrative d’un futur conjoint. Des peines lourdes sont prévues pour fraude : jusqu’à cinq ans de prison et 15 000 euros d’amende.

À ce jour, rien n’interdit formellement le mariage d’une personne en situation irrégulière. Présenter un titre de séjour n’est pas exigé parmi les pièces du dossier. Cette absence de formalité fait régulièrement débat, surtout au regard de la prévention des mariages de complaisance. Pour garantir la légitimité des unions, les services municipaux disposent surtout du contrôle de domicile, des auditions et de l’enquête administrative.

La France s’attache à préserver la liberté du mariage, mais l’équilibre reste fragile. Entre la sauvegarde des droits individuels et la nécessité de prévenir les fraudes, la ligne de partage demeure ténue.

Nouvelle proposition de loi : ce que cela changerait pour les personnes en situation irrégulière

Le sujet prend de l’ampleur avec la proposition de loi déposée par plusieurs parlementaires. Leur objectif est limpide : rendre la célébration du mariage impossible sans justificatif de régularité du séjour. Pour les personnes sans papiers, l’accès à l’état civil deviendrait alors nettement plus compliqué. Ce texte rompt avec la tradition juridique française, longtemps attachée à la liberté matrimoniale et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Dans le concret, la réforme prévoit que l’officier d’état civil puisse demander, dès le dépôt du dossier, un titre de séjour valide. Sans ce document, la procédure s’arrêterait immédiatement. Les auteurs du texte avancent l’argument d’une lutte plus efficace contre les mariages simulés ou de complaisance, tout en insistant sur le contrôle de la présence sur le territoire national.

Pour bien comprendre, voici les principaux axes de la proposition :

  • Subordonner le mariage à la régularité du séjour
  • Accroître les pouvoirs de l’officier d’état civil sur le plan administratif
  • Modifier le code civil pour y inscrire cette nouvelle exigence

Ce projet soulève des interrogations majeures sur le respect des droits fondamentaux et l’esprit d’accueil du droit français. Il reviendra au législateur d’arbitrer, sous l’œil attentif du Conseil constitutionnel.

Quels arguments et débats autour de la réforme envisagée ?

L’idée de conditionner le mariage à la régularité du séjour ne laisse personne indifférent. Elle touche à la fois à la liberté matrimoniale et à la lutte contre les mariages simulés. Certains élus, comme Bruno Retailleau, estiment qu’il faut renforcer les outils des officiers d’état civil pour lutter contre la fraude et contrôler les situations administratives sur le territoire national.

En miroir, d’autres acteurs rappellent le rôle central du droit au mariage dans la tradition juridique française. Des associations, soutenues par des juristes et des élus locaux, à l’image de l’Amf, soulignent les risques pour une liberté fondamentale. L’égalité d’accès au mariage civil distingue la France par son approche universaliste. Restreindre ce droit, même sous couvert de contrôle administratif, pourrait fragiliser la protection des futurs époux et multiplier les recours devant le Conseil constitutionnel.

La controverse ne s’arrête pas au droit. Dans les mairies, les équipes municipales craignent une charge de travail accrue et des tensions lors de l’accueil du public. La question de la faisabilité, du respect des droits fondamentaux et du filtrage des situations irrégulières occupe le cœur des débats.

Un enjeu sociopolitique au cœur des discussions

À l’Assemblée nationale, la proposition de loi sur le mariage des personnes en situation irrégulière cristallise les tensions. Au-delà des hémicycles, la société civile s’en empare. Le sénateur Bruno Retailleau porte ce texte, qui divise jusque dans le monde associatif. Certains y voient la marque d’une volonté de l’État de reprendre la main sur les flux migratoires, d’autres pointent un dilemme entre défense de l’ordre public et sauvegarde des droits fondamentaux garantis par la France et l’Union européenne.

Sous la pression de l’Amf (association des maires de France), la discussion s’intensifie : comment concilier les missions des officiers d’état civil avec le principe de non-discrimination ? Les élus locaux craignent un glissement vers une société où la vérification du titre de séjour deviendrait la règle avant chaque union. Au fond, c’est la question du modèle républicain qui est posée. La France peut-elle modifier ses règles matrimoniales sans altérer l’esprit du code civil ni remettre en cause ses engagements européens ?

Les auditions s’enchaînent, et le nom de Stéphane Demilly, rapporteur du texte, revient sans cesse dans les échanges. À la croisée des équilibres institutionnels et des normes internationales, la réforme du mariage s’annonce comme l’un des grands chantiers à surveiller de près. Les décisions à venir pourraient dessiner un nouveau visage pour l’accès au mariage en France.